Revista de investigación social y cultura proletaria - Culture Révolutionnaire du Travail - Feuilleton Internationale et Révolutionnaire du Travail. Manuel S. Oms
CRT-FIRT Revista de investigación social y cultura proletaria
miércoles, 17 de febrero de 2016
lunes, 15 de febrero de 2016
sábado, 13 de febrero de 2016
LE
COLLAGE:
UN
PHÉNOMÈNE HISTORIQUE DU XXe SIÈCLE
2007, Manuel S. Oms
Docteur en Histoire de l´Art
INTRODUCTION
Le collage représente, au-delà
de la considération d´une simple technique, le moteur incontournable d´une
nouvelle orientation dans l´art du XXe siècle. Il émane même d´un ensemble de
bouleversements et de facteurs que l´on ne peut rassembler que très
difficilement en une simple histoire, puisqu´avec le collage surgissent dans
l´art avec un grand A majuscule, une série de pratiques peu définies
appartenant aux arts populaires , mais aussi aux arts appliqués ou encore à
ceux de l´industrie et des médias. Dans l´actualité, des objets et des images
préexistants appartiennent à l´art,
changeant de façon substancielle le concept de création lequel comprend
des actes tels que l´élection, la sélection et, en dernier lieu, la
construction ou le montage, ceci en opposition à la conception idéalisée d´une
création à partir du néant. L´histoire du collage ne peut être restreinte
simplement aux collages en eux-mêmes, si bien que mener à bien la difficile
tâche d´établir une frontière entre ce qui est un collage et ce qui ne l´est
pas, est devenue une priorité. Ce qui est certain, c´est que le collage a
dévoilé beaucoup de caractéristiques propres à la création, lesquelles, par le
passé, s´étaient maintenues latentes derrière les principes de la
représentation, et qu´il apporte un point de vue nouveau, contemporain de
l´art, point de vue dont nous devons prendre conscience.
ç
RÉSUMÉ
DE NOTES SUR MÉTHODOLOGIE ET DIALECTIQUE
Lors d´une session de travail
de la Table Ronde Internationale du C.N.R.S. (Centre Nacional de Recherche
Scientifique) et dans sa publication Collage et montage au théâtre et dans
les autres arts durant les années vingt, on n´a pas choisi
directement le collage et le montage comme objets d´études mais, après la
recherche de l´élément de liaison qui permettait d´établir une relation entre
le théâtre et d´autres registres expressifs, on en a conclu que c´était
précisément l´interdisciplinarité du collage ce que l´on recherchait[1]. Il s´agissait, exactement comme l´a
proposé Erika Billeter dans la publication citée ci-dessus, non seulement d´une
question technique, mais d´un problème artistique nouveau, l´intégration de la
réalité dans le monde des tableaux artificiels[2]. Lors du séminaire organisé par Claude Amey et
J.P. Olive à l´Université Paris et la MSH Paris Nord en Novembre 2002, il n´en
a pas plus été établi que le fragment soit un objet en soi, mais, par contre,
il a été reconnu comme étant un élément susceptible de synthétiser la nouvelle
situation culturelle, laquelle se caractérise pour avoir su affronter une
extraordinaire remise en question des frontières qui séparent l´art de la vie[3].
Le Groupe Mu de sémiotique
trouve l´intertextualité du collage dans son supposé langage lorsqu´il définit
pas le collage mais sa technique, après avoir relevé un certain nombre d´élements
d´oeuvres, d´objets, de messages préexistants et leur intégration postérieure
dans une nouvelle création ayant pour but de produire un tout original. Dans ce
tout, des ruptures différentes s´y sont manifestées[4], d´autant plus que ce groupe de recherche se
centre sur les opérations de sélection et de combinaison des parties
constitutives du discours sémiotique[5]. Henri Béhar, lorsqu´il traite la littérature
d´avant-garde et qu´il lui applique le principe du collage, affirme que
celui-ci ne détruit pas les canaux de transmission, les référents de situation,
de contexte, ou encore la substance, la forme du message ou le message
lui-même, mais les codes mêmes du langage[6]. On ne peut interpréter son interdisciplinarité
dans la transcription ou transposition d´un canal à un autre[7]. La rupture des genres est l´une des
caractéristiques intrinsèques du collage, et l´apportation la plus importante
du dadaïsme est peut-être celle d´avoir rendu définitive cette confusion, phase
fondamentale dans la libération de la poésie des règles du langage[8]. Pour cette raison, la sémiotique est la
discipline qui a récemment le plus étudié le collage, bien que le groupe Mu
lui-même s´est interrogé sur la possibilité d´une définition définitive[9]. Comme exemple d´approche au collage et
au photomontage à partir de la sémiotique, nous pouvons citer les exposés
présentés par Yves-Alain Bois –“The Semiology of Cubism”- et par Rosalind
Krauss –“The motivation of the Sign”- lors du symposium Picasso et Braque,
célébré au Museum of Modern Art de New York en 1989, le tout à partir des
théories de Saussure qui établissent l´arbitrariété du signe[10]. Benjamin H.D. Bucloh, de son côté,
attribue à Rosalind Krauss le fait d´avoir appliqué la première la sémiotique
de Peirce à l´oeuvre de Duchamp et à celles d´autres artistes appartenant à la
même tendance[11]. D´autre part et en ce qui concerne le
collage surréaliste, il est absolument nécessaire de rappeler les travaux de
Elza Adamowicz (1998). Cependant, c´est peut-être Umberto Ecco qui a été le
premier à partir de la sémiotique pour aller vers le collage et les phénomènes
plastiques voisins[12].
Or, tout vise à ce que,
lorsque l´on eut pris pleine conscience du collage et que l´on fut à même de
citer quelques uns des précédents littéraires, de Baudelaire et Rimbaud à
Lautréamont, Mallarmé et Jarry, c´est-à-dire, avec la révision du surréalisme,
on sut que, plus qu´à conformer un nouveau langage, le collage cherchait la
dissolution même du langage. Cette offense aux règles établies, qui commence
d´emblée par le champ pictorique, s´était déjà manifestée bien avant dans le
domaine littéraire –par exemple, la confrontation venant de Mallarmé, entre
l´imprimerie et le journalisme, et la grande littérature[13], ne peut répondre seulement à des raisons
artistiques incapables d´expliquer par elles-mêmes l´évolution survenue dans
l´Histoire de l´Art. On reproche au langage, aussi bien littéraire que
plastique, d´être l´émanation d´un état de séparation qu´engendre une certaine
société à une certaine époque, une aliénation qui se fera au détriment de la
dialectique fondamentale entre individus et objets. Le langage artistique est
attaqué pour être le produit d´un décalage général entre l´expression
culturelle et son époque. C´est sur ce phénomène que se situe notre point de
vue historique.
Il ne s´agit pas en ce qui
concerne le collage et plus particulièrement le ready-made, de
différencier ce qui est une oeuvre d´art de ce qui n´en est pas[14]. Mais au contraire, il faut chercher les points communs qui existent
entre l´art et les autres manifestations de la vie, et cela, on le trouve sans
aucun doute dans la dialectique sujet-objet qui, jusqu´au XIXe siècle, avait
été résolue en suivant les principes aristotéliciens de mimésis et de diégèse.
Hegel, en situant ces manifestations esthétiques dans cette dialectique, les
reintégra nouvellement au reste des disciplines de la philosophie et aux autres
aspects phénoménologiques de la vie, tandis que Kant fit dépendre l´esthétique
du jugement, en fonction des principes de plaisir et déplaisir. Pour Hegel, il
y a un support universel objectif qui se définit par la dialectique même,
d´autant plus que sa philosophie est une philosophie de l´esthétique dont elle
dépend: “La philosophie de l´art constitue un anneau nécessaire à l´ensemble de
la philosophie”[15], aux côtés de la religion et de la philosophie
même, trois niveaux du développement de l´esprit que nous pouvons identifier
avec trois niveaux de connaissance: dans le même ordre, l´art est la
manifestation sensible de l´Esprit Absolu; la religion, sa manifestation
sentimentale et la philosophie, le concept systématique rationnel[16]. Selon cet argument, l´art dans son
évolution, cherche la reconciliation de l´idée avec la matière, représentant
celle-ci la nécessité du sujet de se dépasser. L´art surgit de cet
affrontement, et c´est pourquoi le sujet a besoin de l´objet pour se connaître
soi-même (l´homme, étant conscient ressent le besoin de se matérialiser, et,
parfois, il trouve dans les objets la façon d´y parvenir: “à travers les objets
extérieurs, il tente de se trouver lui-même”[17]). En utilisant la pensée dans ce but,
l´idée se manifeste aux sens et constitue la forme qui agit sur la matière
objective qui peut très bien s´y attacher de façon symbolique, artificielle ou
indépendante. C´est ainsi que l´art constitue une seconde nature, mais qui,
contrairement à l´esthétique de Kant, nécessite d´une autonomie de l´objet pour
pouvoir entrevoir la base dialectique[18]. La beauté naturelle n´est plus le but de
l´esthétique en tant que philosophie de l´art, mais la particularisation
sensible du concept, l´accouplement de l´idée et de la forme à travers la
matière[19]. L´art ne s´occupera plus que de la
beauté qui émane de l´Esprit, alors que l´objet ne sortira de sa finitude et de
sa dépendance de lui-même qu´au moment où le sujet le rendra beau, acte grâce
auquel –interprété comme abstraction- il perdra sa condition[20].
Pour pouvoir réaliser une
relecture du collage après la dématérialisation de l´art que Hegel lui-même
annonça comme étant l´objectif de sa dernière période –la forme romantique
clôturée par l´anneau suivant correspondant au développement spirituel, la
religion-, nous reprendrons ce qui, jusqu´à nos jours est demeuré sur un
arrière- plan par un jeu de représentations accordé et objectivé, la
récupération de la liberté de l´objet: “on entend par objectivité, la vérité
extérieure ou le caractère que présente l´oeuvre d´art, quand une chose est
conforme à la réalité, comme nous la trouvons dans la nature, et se présente
ainsi à nous avec des traits qui nous sont familiers.”[21]. Juan Eduardo Cirlot coïncide peut-être
avec cette libération de la réalité extérieure lorsqu´il commente l´attention
que Marcel Duchamp prêta à l´objet: “Au-delà d´une Société protectrice des
animaux et des plantes, Marcel
Duchamp se rapprochait de la prévision d”une Société protectrice de l´objet”[22].
Les interprétations qui se
sont succédé tout au long du XXe siècle, la psychologie de la perception, le
formalisme de Greenberg et l´application de la linguistique de Saussure à l´art
à travers la sémiotique, le structuralisme et la théorie de l´information, ont
en commun la nécessité du subjectivisme pour que se produise un jugement
esthétique, une suprématie du sujet qui conduit à la dénaturalisation de la
réalité extérieure, et dont les moyens s´imposant à l´objet, sont parvenus à se
présenter comme objets par eux-mêmes, alors qu´ils deviennent des instruments
dans les analyses postestructuralistes de Barthes, Derrida et Kristeva. Selon
Michel Foucault, le processus d´autonomie du langage fait marche arrière
jusqu´au XIXe siècle, en raison, entre autres, de la naissance de la grammaire.
Il dérive vers la linguistique en tant qu´exercice métalinguistique. En
réalité, lorsque la sémiotique se développe durant les années soixante-dix du
siècle dernier, le langage est déjà objectivisé. De même que l´a signalé
Foucault, au XVIe siècle “le langage n´était pas un système arbitraire; il est
déposé dans le monde et il en fait partie à la fois parce que les choses
elles-même cachent et manifestent leur énigme comme un langage, et parce que
les mots se proposent aux hommes comme des choses qu´il faut déchiffrer. La
grande métaphore du livre qu´on ouvre, qu´on épelle et qu´on lit pour connaître
la nature, n´est que l´envers visible d´un autre transfert, beaucoup plus
profond, qui contraint le langage à résider du côté du monde, parmi les
plantes, les herbes, les pierres et les animaux”[23]. C´est à ce moment-là que le langage
acquit avant tout la nature d´être écrit, tandis que les sons de la voix
deviennent leur traduction précaire. Par contre, c´est au XIXe siècle, lorsque
le langage se replie sur lui-même, qu´il “acquiert son épaisseur propre,
déploie une histoire, des lois et une objectivité qui n´appartiennent qu´à lui.
Il est devenu un objet de la connaissance parmi tant d´autres: à côté des êtres vivants, à côté des richesses
et de la valeur, à côté de l´histoire des événements et des hommes”[24]. D´emblée, il s´impose au sein de la
communauté qui le pratique, étant donné sa responsabilité historique dans la
connaissance de la réalité: “L´interprétation, au XVIe siècle, allait du monde
(choses et textes à la fois) à la Parole Divine qui se déchiffrait en lui; la
nôtre, celle en tout cas qui s´est formée au XIXe siècle, va des hommes, de Dieu,
des connaissances ou des chimères, aux mots qui les rendent possibles; et ce
que cette interprétation découvre, ce n´est pas la souveraineté d´un discours
premier, c´est le fait que nous sommes, avant
la moindre de nos paroles, déjà dominés et transis par le langage”[25]. De cette façon les alternatives en ce
qui concerne l´objet extérieur, cerné par un acte de connaissance pur de tout
mot, se réduisent à deux: “il fallait ou le rendre transparent aux formes de la
connaissance ou l´enfoncer dans les contenus de l´inconscient”, d´où le
formalisme de la pensée et de la psychanalyse. Ces deux objectifs peuvent même
s´imbriquer sur un terrain commun, celui du structuralisme et de la
phénoménologie, par exemple dans la “tentative pour mettre à jour par exemple les
formes pures, lesquelles, avant tout contenu, s´imposent à notre inconscient;
ou encore effort pour faire venir jusqu´à notre discours le sol d´expérience,
le sens d´être, l´horizon vécu de toutes nos connaissances”[26].
De même que Marshall MacLuhan
détermine l´objectivation moderne du langage à partir de l´imprimerie, Jean
Clair situe cette réification à la fin du XVIIIe siècle, au moment même de la
naissance de la linguistique (avec les travaux de J.G.Herder et Johann G.
Hamann) dans le cadre du premier romantisme allemand et de ses recherches sur
l´identité nationale à partir des caractères de la langue (Johann Gottlieb
Fichte). Il s´agissait de rechercher une origine naturelle au langage, un
caractère organique impropre en raison de son idiosyncrasie constructive. Cette
confusion coïncide dans le temps avec les débuts de l´industrie, laquelle
présente ses produits de fabrication inconnus du consommateur comme s´ils
existaient depuis l´éternité dans son aspiration à imiter le comportement
organique des formes naturelles. Plus encore si l´on tient compte que ces
recherches de type romantique ont comme précédent celles de Giambattista Vico
qui, un siècle plus tôt, avait déjà tenté de trouver l´origine des mots dans
les onomatopées et dans les monosyllabes, d´où l´on peut conclure leur
caractère purement émotionnel. Lorsque Jean Clair différencie dans le langage
la fonction communicative de l´expressive, et
découvre l´abstraction de l´expression
dans les conclusions de ces premiers pas sur le chemin de la linguistique,
nous, nous entendons que la fonction expressive est la manifestation de la
parole même, qui court de façon parallèle à la fonction du collage et de
l´assemblage qui consiste à manifester des objets qui se présentent à nous
totalement opaques dans leur nouvelle nature. Ainsi Clair pense-t-il que c´est
pour cette raison que l´expressionisme fut le seul langage du XXe siècle qui
s´est maintenu dans le temps, Nous pensons que cette fonction expressive est
dans le fond manifestante et, par conséquent, qu´elle se trouve à la base du
reste des ismes. Par le biais de cette fonction uniquement révélatrice
du mot et de l´objet, propre à la pensée romantique allemande, naît comme
réponse la phénoménologie de Hegel, basée sur les relations dialectiques entre
sujet et objet. Il n´y aura plus de valeurs universelles, mais ce n´est pas non
plus pour cette raison qu´elles doivent être substituées par d´autres subjectives mais inconnues,
impénétrables[27].
C´est ainsi qu´à partir du
langage, nous pouvons comprendre en partie le déclin de la pensée classique au
XIXe siècle: la perte du verbe “être”, trait d´union entre les mots mais aussi
entre la parole et la pensée, et en même temps, limite du langage même, dont
l´indépendance ne se résout pas de façon complète et n´existe que de forme
fragmentée, conséquence dérivée de la perte de la représentation. Les mots nous
parviennent dispersés: “pour les philologues, les mots sont comme tant d´autres
objets constitués et déposés dans l´histoire”[28]. En ayant connaissance à travers Saussure
de la nature psychologique du langage, et par extension, du signe en général,
dans son usage et dans sa formation, il ne constitue pas une synthèse de la
dialectique sujet-objet, mais la substitution de l´objet par l´action du sujet.
Hegel a prévenu de ce danger en faisant une référence à Kant: “...et si, d´un
côté, l´intuition et le sentiment reçoivent un caractère de généralité qui leur
permet de participer de l´esprit, la
pensée, d´un autre côté, ne renonce pas
uniquement à l´hospitalité envers la Nature (...) même cette conciliation
totale en apparence est, en fin de compte, seulement subjective, c´est-à-dire,
réalisée par le sujet, et n´existe qu´en vertu de son jugement”[29]. Cependant le langage, en étant réifié, a
également perdu ses points de référence subjectifs. Il est resté en suspens en
no man´s land, il s´agit d´une abstraction matérialisée faite pour signifier et
qui a perdu sa raison d´être. D´où son résultat fragmentaire, qui curieusement
va coïncider avec le tournant pris par la perception des objets à partir de la
Révolution Industrielle, la marchandise et la genèse d´une société de
consommation. Ainsi en est-il que Mallarmé, en voulant atteindre l´”Absolu”,
désira affirmer la solidité du mot en reconstruisant l´unité du langage, en
réunissant toutes les propositions possibles en un seul livre[30]. Voilà la raison pour laquelle son art
tente d´être autonome, pur. Comme dans le collage (si nous le considérons comme
oeuvre d´art), nous découvrons le rapport du langage avec le monde objectif
extérieur dans ses fractures, étant donné que ce sont elles qui lui octroient
la condition d´objet. Grâce à elles, le texte et l´oeuvre d´art sont un objet
de plus, et pour pouvoir nier ce fait, c´est le hasard qui doit être combattu.
Dans la discussion autour du
collage, nous ne pouvons plus parler d´oeuvre d´art. Nous ne pouvons même pas
nous demander ce qu´il est, à quelle catégorie il participe. Son dilemme implique un
bouleversement dans la perception survenu au XIXe siècle et matérialisé culturellement
durant le XXe. Et pas seulement du langage, mais aussi de tous les objets de la
réalité extérieure.
LE
COLLAGE EN TANT QUE PHÉNOMÈNE HISTORIQUE
Si nous comprenons l´art comme
étant la rencontre de deux catégories opposées, la matière et la forme,
l´attention aussi bien traditionnelle que ses dérivés actuels, a eu tendance à
se concentrer sur la forme, pour avoir compris que c´est là que se situe
l´action de l´artiste, le côté subjectif de sa création. La prédominance de
techniques bien définies jusqu´au XXe –en peinture, surtout la peinture à
l´huile sur toile, l´aquarelle, ect.-, a aussi conditionné considérablement ce
point de vue. Cependant, la considération de la matière est même nécessaire
pour établir un parallélisme entre le langage et les arts plastiques, en même
temps qu´il faut comprendre les mots, les phonèmes et leurs codes comme étant
des corrélatifs de la matière employée dans les arts plastiques, laquelle
jusqu´au XIXe siècle était très concrète et dont la manipulation était le fruit
d´une formation artisanale au début et, par la suite, académique.
Non seulement la comparaison
des arts plastiques avec le langage, mais aussi la psychologie a favorisé la
maîtrise de la forme, vu que ce qui est à la base du langage c´est la
psychologie exactement comme l´expose Saussure. La prépondérance du kantisme
dans les courants d´interprétation trouble la dialectique sujet-objet, de même
que celle de la forme-idée dérivée. Ainsi cachée, la matière demeure reléguée
et oubliée sans possibilité de juger et d´approfondir les contributions de
l´art contemporain dans toute leur dimension car, en marge de l´abstraction, de
la perte formelle de la représentation, l´introduction de nouveaux matériaux
ont facilité la connection de l´oeuvre avec l´extérieur et sa dissolution
postérieure. Même, l´abstraction portée à son dernier degré (par exemple le
tissu monochrome[31]), a converti le tableau en un objet de plus qui s´ajoute à la réalité
objective, perdant sa fiction potentielle en faisant de sa superficie une
opacité qui empêche la vision de pénétrer dans quelque espace fictif (les
monochromes de Rodchenko présentés en 1921). Tout cela joint à l´importance du
geste, qui conçoit la peinture sans commencement ni fin, comme un essai, la
matérialisation d´un exercice qui se prolonge dans une série de tableaux qui
perdent une valeur per se. La primatie de la forme n´est pas du ressort
de la sémiotique de l´art, ni de la psychologie de la forme ou encore du
formalisme en général; elle remonte à l´histoire des styles de Wölfflin et aux
recherches symboliques et iconographiques de Gombrich et Panofsky. Et ce n´est
pas tout: la critique et l´histoire, en ignorant l´importance de la matière en
marge de sa manipulation, en systématisant les ressources matérielles en un
langage- cela souvent en raison de la propre activité de l´artiste qui répète
les moyens découverts par lui, jusqu´à ce qu´il en fasse une technique-, font
qu´on rejette l´élection comme acte créatif.
Nous
pourrions dire que, déjà, dans le matériel se trouve un contenu d´ordre
discursif. En revanche, nous allons beaucoup plus loin si nous affirmons que
dans le matériel, avec ses qualités particulières comme l´ont travaillé les
constructivistes russes, le premier pas constructif est déjà implicite. Mais ce
n´est que très récemment qu´on a élaboré une première histoire matérielle de
l´art contemporain proprement dit de la main de Florence de Mèredieu: Histoire
matérielle et immatérielle de l´art moderne. Évidemment, ses travaux
s´inscrivent dans un cadre phénoménologique qui a ses origines dans
l´esthétique de Hegel[32]. Cependant, cette récupération –comme le souligne
l´historienne- ne signifie pas s´interroger uniquement sur la matière, laquelle
ne constitue que l´un des deux pôles du conflit qui se tient dans une oeuvre
d´art, vu que toutes deux –matière et forme- sont implicites dans le collage.
Fait curieux, le collage ne s´inclut pas dans cette étude qui suppose une
nouvelle rencontre presque taxonomique des variantes matérielles abordées
pendant le XXe siècle. Celles-ci seront réunies en bloc selon les
caractéristiques des matières étudiées. Le papier-collé et le
photomontage se situent dans le même groupe pour avoir le papier comme support.
Par contre, on ne peut pas envisager le collage –d´après les acceptions données
par les artistes eux-mêmes (surtout par Max Ernst[33])-
sur un support déterminé. De cela résulte que le collage se dilue dans
l´argumentation du livre de Florence Mèredieu, dans l´adoption de la part des
artistes des nouvelles possibilités matérielles en tant qu´extra picturales.
C´est pour cela que le collage, sans être inséré dans l´index de l´art
contemporain, est sollicité par son auteure à plusieurs reprises pour sa
dimension hétérogène et matérielle, c´est-à-dire, parce qu´il implique par
lui-même l´éveil des possibilités du matériel, capable d´apporter lui seul un
signifié. C´est à travers le collage que cette auteure explique l´essor du
papier et des matériaux mixtes d´assemblage et la rupture des genres[34]. Un précédent de cette histoire
matérielle de l´art contemporain, bien que de nature différente –une étude
beaucoup moins académique-, c´est le livre du fondateur du lettrisme Isidore
Isou De l´impressionisme au lettrisme. L´évolution des moyens de réalisation
de la peinture moderne. L´auteur trace une histoire approximative des
matériaux employés depuis l´impressionisme –en soulignant la grande révolution
en 1912 avec les premiers papiers-collés- cubistes-, afin de vanter la
contribution “meta-esthétique” de son mouvement lettriste. Il définit deux
niveaux dans ses travaux: la forme et le support –tous deux étant impliqués
d´une certaine facon[35]. Le collage y
acquiert un protagonisme crucial
tout au long de son argumentation, laquelle s´applique à étudier la libération
des possibilités matérielles et mécaniques du support dans le cadre
traditionnel de l´Histoire de l´art. De cette manière il dévoile les
limitations d´André Breton et de Louis Aragon qui considèrent le collage à
partir de la peinture bien que celui-ci
en représente une négation, ce qui les empêche d´apprécier ses
contributions au-delà de la substitution du trompe-l´oeil par des objets réels[36]. Ces liders surréalistes se sont
intéressés excessivement aux
possibilités d´ouverture sociale de la plastique pour avancer vers la poésie
“faite pour tous” contrairement au professionnalisme, principe qui commande le reste des arts.
C´est
ici que nous nous posons la question suivante: le collage fait-il partie de
l´histoire matérielle de l´art contemporain? Si nous répondions carrément par
un oui, nous couperions la dialectique forme-matière. S´il est vrai que la
contribution du collage est surtout d´ordre matériel puisqu´il l´étend à toutes
sortes de substances et d´objets possibles, c´est ce fait uniquement qui
constitue une base qui nécessite d´être confrontée à la manipulation que
subissent ensuite ces matériaux aux mains des créateurs. En vérité, à partir de
cette ouverture des limites, l´artiste pourra créer ses propres matériaux,
lesquels, d´autre part, vont d´une certaine façon l´identifier. Ces matériaux
pourront aussi simplement être choisis et découverts. Cependant, avec le
concept de collage, on peut prendre un matériau qui soit déjà intégralement
constitué formellement (un ready-made ou un objet naturel) même avec sa
propre iconographie préexistante (une photographie ou une illustration). De
cette manière, le collage se déplace du matériau à l´iconographie. Les images
visibles aussi bien du collage romancé de Ernst que celui d´un photomontage,
voire dans les combine-painting de Rauschenberg, n´auront logiquement
pas un fonctionnement identique que dans la peinture illusionniste précédente,
encore que cela n´empêche pas sa valoration plastique et iconographique. Le
collage suppose l´ouverture à n´importe quel matériau et composants pourvu
qu´ils se trouvent confrontés dans l´oeuvre, autant pour être différents (du
papier collé cubiste jusqu´au combine-painting) que pour contenir
des images qui ne se corespondent pas logiquement (collage de Max Ernst) ou
encore pour opposer de manière irraisonnée des formes différentes
(photomontages dadaïstes). Il ne s´agit pas seulement d´une question matérielle
(on ne se limite pas non plus à ce qui est de la forme et à la négation de
l´image (comme l´ont cru Clément Greenberg et ses successeurs), parce que le
collage récupère les possibilités matérielles en tant que contenu qui lui sont
propres dans tous les domaines possibles (formel, figuratif, discursif,
poétique, sémiotique, narratif, symbolique... et surtout constructif), après avoir
connu celles-ci l´oubli à partir de la systématisation des techniques dans
l´artisanat et plus tard dans l´Académie. C´est ainsi que le collage est
capable de rompre le concept technique. L´oeuvre artistique se dissout
essentiellement par une rupture des barrières, maintenant que son concept est
susceptible d´être appliqué à la réalité même.
De
cette dialectique entre matière et forme, on en déduit une dualité critique:
l´idéalisme objectif de Hegel et le matérialisme historique de Marx. Comme l´a
si bien signalé Florence de Mèredieu, l´histoire matérielle de l´art concerne
aussi bien la “réalité physique
concrète” de l´idéalisme objectif que les “infrastructuress socio-économiques”
du matérialisme historique. Ces deux systèmes philosophiques, dans une certaine
mesure, défendent un point de vue historique, du moins évolutif, si bien
qu´avec le matérialisme historique, l´histoire finit par intégrer de façon
intrinsèque les phénomènes. Ce point de départ permet d´analyser le travail de
ces artistes qui se sont maintenus dans la tradition dialectique et ceux qui ne
s´y sont pas maintenus, c´est-à-dire, ceux qui ont cherché la libération du
concept (minimalisme et art conceptuel, par exemple) comme ceux qui poursuivent
la libération de l´esprit (Malevitch, le Surréalisme, Klein, Beuys...)[37], à condition toujours que nous partions
de l´oeuvre même afin de dévoiler les facteurs historiques qui participent de
sa création.
NOUVELLE CONCEPTION DE LA RÉALITÉ
Selon l´évolution esthétique de Hegel,
trois grandes époques se succèdent: la symbolique –avec l´hégémonie des arts
orientaux-, la classique –caractérisée par l´équilibre entre l´idée et sa
matérialisation sensible-, et la romantique – déterminée par le triomphe du
christianisme et le dépassement spirituel. Le critère distinctif est le degré
de libération que ressent l´esprit lors d´une première réaction face à l´objet
qui lui est étrange. Pour que sujet et objet se libèrent de leur isolement, il
faut que tous deux s´engagent dans une certaine objectivation du sujet pour que
l´objet acquière une subjectivité. De cette façon, ils ne vivent pas enfermés
en eux-mêmes mais pour eux-mêmes. Ce concept d´étrangeté qui pour Hegel est
l´origine de la culture[38] et qui peut également expliquer la première
approche de sélection du créateur à l´objet préexistant pour l´intégrer dans
une structure nouvelle –le collage-, est en soi la base de tout phénomène,
c´est-à-dire, qu’il est a-historique. L´avancée seule dans la libération de
l´esprit permettra d´établir une évolution laquelle, après l´époque romantique,
atteint la polémyque “fin de l´art”, annoncée par Hegel. Celle-ci, dans notre
exposé, est comprise comme étant le dépassement de la sensibilité artistique
qui se présente alors comme manifestation sentimentale de l´Esprit, propre à la
religion et à la rationalité systématique philosophique-scientifique, suivant
l’ordre des anneaux consécutifs de la philosophie établie par ce philosophe.
Par conséquent, nous pourrions justifier à partir de son esthétique, la
dématérialisation qu´a subie l´oeuvre d´art après la Deuxième Guerre Mondiale,
allant de l´objectivité au concept, en passant par le langage expressionniste
abstrait malgré les divergences existantes. En effet, ce détachement de la
matière, l´art l´avait déjà expérimenté à la fin de l´époque romantique
hégélienne lorsqu´il élève la poésie à son hégémonie au-delà de tout matériel
possible –même de la parole écrite ou parlée-, en réunissant le reste des arts
dans son universalité car elle est le meilleur chemin pour la manifestation de
l´Esprit[39]. Avec la poésie, le symbole se fait signe: “La
poésie est l´art général le plus compréhensif, celui qui a réussi à s´élever
jusqu´à la plus haute spiritualité. Dans la poésie, l´esprit est libre en soi,
il s´est séparé des matériaux sensibles pour en faire des signes destinés à
l´exprimer. Le signe n´est pas ici un symbole, mais queque chose de
complètement indifférent et sans valeur, sur lequel l´esprit exerce un pouvoir
de détermination”[40]. Julia Kristeva distingue encore le symbole du
signe dans un cadre historique, lorsque se produit le passage de l´un à l´autre
à la fin du Moyen Âge, en fonction du pouvoir de réification du symbole
vis-à-vis des trascendances universelles, tandis que le signe fait référence à
des unités plus concrètes - bien que tous deux partagent un caractère dualiste
et un pouvoir hiérarchisant. Le signe projetterait les qualités du symbole sur
une réalité concrète. Alors que les symboles s´enchaînent alternativement,
pouvant s´exclure entre eux ou ne pouvant simplement atteindre la conjonction,
le signe s´enchaîne de façon non alternative[41]. À ce propos, nous devons dire que si
nous réussissons à considérer comme signes les fragments d´un collage, nous
pourrions souder les fractures qui en font un collage proprement dit, pour
cela, nous devrions libérer le signe de sa fonction signifiante, exactement
comme l´ont suggéré les dernières prises de position de la sémiotique dans les
années soixante et soixante-dix.
Avec
ce dépassement d´ordre spirituel, la réalité objective extérieure s´est
également libérée: elle verra naître sa représentation dans la poésie
bourgeoise et dans la peinture de type hollandais, c´est-à-dire, dans le cadre
d´une société bourgeoise protocapitaliste. Face à cette représentation de la
réalité, Hegel se demande directement si nous sommes en présence d´un fait
artistique proprement dit si, pour pouvoir répondre, on n´a tenu compte que des
habiletés techniques de l´artiste. Ce type de productions dont les critères
mimétiques ont prévalu jusqu´au XXe siècle et qui reproduit l´étrangeté entre
sujet et objet, sont le reflet peut-être de notre méconnaissance technique
d´une réalité qui nous est étrangère précisément parce qu´elle est
re-présentée. Voilà donc la situation générale dans laquelle se trouvait le
spectateur du début du siècle dernier, au moment où le statut atteint par la
peinture était corrélatif aux biens de consommation que la Révolution
Industrielle avait mis en circulation. Si l´aliénation chez Hegel est phénoménologique
malgré sa perspective historique, celle de Marx est historique en soi-même[42]. L´étrangeté de l´objet va depuis sa
propre production –pour laquelle la main d´oeuvre touche un salaire qui ne
correspond pas à la valeur réelle de ce qu´il .produit- jusqu´à son achat, dans
lequel à la valeur d´utilisation s´ajoute la valeur de change qui agit comme un
masque, une abstraction arbitraire en dernière instance qui recouvre la
véritable réalité de l´objet, en commençant par le fait que le passage d´une
valeur à une autre signifie le passage de la qualité à la quantité[43]. De ce fait, on en déduit la capacité de
l´objet manufacturé dès que l´on perd son référent d´usage, de contenir
matérialisée et cachée une quantité déterminée de travail calculée en heures[44]. À ce mystère, il faut ajouter les
matériaux inédits pour la population consommatrice et l´intervention de la
machine dans leur fabrication[45].
Le
composant social de l´objet –la solidification d´un processus humain de
fabrication- est le moyen par lequel celui-ci
entre dans un réseau universel de valeurs de change qui le rendent opaque une
fois adoptée la forme d´une marchandise, laquelle est énigmatique et par
conséquent, fétichiste. L´objet se referme sur lui-même pour être perçu cette
fois non plus avec un caractère social mais naturel, et par conséquent, l´ordre
social se présentera également comme naturel[46]. Et à l´envers, le sujet peut commencer à
le déchiffrer comme s´il s´agissait d´un rébus, reconstruire à l´aveuglette le
processus de travail qu´il laisse après lui, son contenu social[47]. Les marchandises répondent ainsi: “La
valeur utilitaire intéresse peut-être les hommes. Mais nous, en tant qu´objets,
ça ne nous inquiète pas. Ce qui nous
intéresse objectivement, c´est notre valeur. Notre propre circulation comme
choses-marchandises le prouve. Nous parlons les unes des autres comme valeurs
de change”[48]. Ne pourrait-il pas exister un parallélisme entre
cette superposition de valeurs et les chaînes syntagmatiques du langage qui
prennent le signe de manière arbitraire, c´est-à- dire, sans qu´il maintienne
une relation quelconque avec son référent? En objectivant le signifiant, nous
dévoilons ses relations idéologiques, exactement comme nous avons commencé à
reconstruire les valeurs sociales de la chose-marchandise une fois que nous
avons pris conscience de son opacité. Avant de franchir ce premier pas, l´objet
de production capitaliste est, pour nous, aussi naturel qu´un caillou ou la
feuille morte d´un arbre.
Françoise Monnin a attribué un
rôle important à la Révolution Industrielle dans la naissance du collage
contemporain. Elle a su voir
l´importance de la mise en place en 1913 de la première chaîne de montage dans
les usines Ford de Détroit[49]. Mais ce qui est curieux c´est qu´autant Florence
de Mèredieu[50] que Pierre Daix[51], que Lewis Mumford[52] et qu´Octavio Paz[53], voient dans l´industrie d´un côté, et
dans la découverte des arts primitifs de l´autre, les deux détonateurs
fondamentaux qui font démarrer l´art contemporain. Les objets exotiques qui
proviennent des colonies de l´impérialisme industriel font leur apparition
revêtus d´une aura étrange et pénètrent sur le marché comme un produit
quelconque. Mais il existe encore une autre convergence entre l´industrie et le
primitivisme[54]: malgré les progrès scientifiques et techniques
de la société, les objets sont à nouveau étrangers à l´individu comme le furent
les objets naturels pour l´homme primitif[55] . La façon de réagir face à ces objets, c´est le
bricolage de Lévi-Strauss, la logique taxonomique de la pensée mythique qui
part du concret pour le dévier vers une nouvelle fonction: il y a quelque chose
de paradoxal dans l´idée d´une logique dont les termes consistent à des restes
et des morceaux, vestiges de processus psychologiques ou historiques et, en
tant que tels, dépourvus de nécessité[56].
Non
seulement à cause de l´influence que put exercer l´art nègre chez Picasso[57], Vlaminck ou Matisse, mais aussi en
raison de l´opacité de l´objet, valeur corrélative à la première appréciation de cet art comme
marchandise –la négation de la perspective fictive qui fait de l´oeuvre un
objet-, et à la peinture polychromée de Rodchenko et à l´importance de la faktura
pour les constructivistes russes. Les objets primitifs se présentent étrangers,
d´origine inconnue, ce sont des stimulants pour la curiosité[58] jusqu´à ce que Carl Einstein réclame
l´assimilation compréhensive de l´art nègre[59]. De toute façon, l´art considéré comme
primitif ne cessera d´inspirer de nouveaux contenus pour une réalité
infranchissable tout au long du XXe siècle.
Ce
fait prouve bien que, tout au long de l´histoire, il y a eu une
substitution progressive de l´aliénation
naturelle par l´aliénation sociale[60]. À partir du XXe siècle, les marchandises se
présentent comme si elles étaient naturelles, tandis que les tableaux montrent
de manière fictive une réalité imitée[61]. Le spectateur, pour prendre conscience
de sa situation devra nier la fiction et assimiler l´opacité de l´oeuvre
essentielle bien que latente. Il existe la possibilité d´une réconciliation de
l´aliénation phénoménologique hégélienne du sujet dans l´objet, avec
l´aliénation de Marx qui se caractérise pour être de fondement historique et
pour être basée sur le fétichisme de la marchandise: cette dernière reproduit
de façon illusoire la première pour la substituer sous les mêmes principes
mimétiques qu´Aristote appliqua à la poétique, la valeur de change représente
la valeur d´usage au début de son histoire[62], car la marchandise était destinée à
masquer la nature même[63]. Pour cette raison la fiction de la peinture est
l´explication de la marchandise et de l´organisation sociale et, lorsque le
constructivisme et le dadaïsme portent atteinte à la mimesis aristotélicienne,
nous ne pouvons plus restreindre cette attaque au domaine de l´art qui tout
simplement souffre d´un décalage vis-à-vis des moyens de production industriels
qui se sont substitués à l´atelier qui les avait précédés (cadre de travail
limité maintenant au peintre et au sculpteur), mais nous devons l´étendre à
toutes les contradictions bourgeoises au sens le plus large.
C´est
au sein de cette nouvelle inaccessibilité à la réalité que surgit un nouvel
artiste[64], lequel sera seulement défini pour son
indifférence envers la professionnalité du milieu social. C´est celui qui
déambule dans les rues gouvernées par la coupure des vitrines de divers
commerces et de panneaux publicitaires, celui qui erre à travers les
marchandises, qui est illustré par la notion offerte par Walter Benjamin du
nouveau statut que Baudelaire léga au poète[65]: “Le flâneur, c´est celui qui est
abandonné dans la foule. Et c´est
ainsi qu´il se retrouve dans la même
situation que les marchandises(...) L´ivresse à laquelle se livre le flâneur,
c´est celle de la marchandise dont se saisit le rugissant courant des
acheteurs”[66]. Comme, en raison de leur élaboration et
de leur usage, l´identification du sujet avec les objets n´est plus possible
(Erich Fromm, 2000: 119-120. Plus tard, cet auteur différencie la propriété
fonctionnelle de la mort et non fonctionnelle, étant la fonctionnelle
compatible avec l´annulation marxiste de la propriété privée. Erich Fromm, 2000: 125-132) [67], le flâneur trouvera dans l´opacité de la
marchandise la manifestation de lui-même, phénomène que Duchamp conceptualisera
dans “la beauté de l´indifférence”. Le collage va convertir –en essayant
d´empêcher la séparation au sens le plus large- cet état d´étrangeté absolue en
un nouveau principe d´identité conciliatrice entre l´individu et la réalité
objective transformée par l´abstraction économique du capitalisme. On pourra
imputer à cette hypothèse le manque de considération envers l´usage des objets
naturels, présents dans beaucoup de processus créatifs depuis les avant-garde
historiques, mais l´étrangeté s´étend par simple réflexe de perception. De la
même manière que le bourgeois ne peut voir dans les membres de sa famille
qu´une valeur de change[68], l´homme contemporain croira que la nature lui
offre une marchandise, parce que, dans le fond, il ne pourra pas la distinguer
de l´industrie, et que, d´autre part, les langages taxonomiques auxquels nous
avons recours pour pouvoir identifier les individualités naturelles et les
réunir dans des familles et des espèces, ne sont déjà plus si lointains que
n´importe quel objet manufacturé que nous puissions acquérir dans un
établissement.
La marchandise gouvernée par
le quantitatif de la valeur de change qui fait qu´un objet dépende d´un autre,
ne peut acquérir sa singularité – l´aura benjaminienne de la réalité, son
identité- que par l´exclusivité de la rencontre hasardeuse des vitrines des
passages[69]. C´est à ce point culminant de la
rencontre unique résumée par un “jamais” –comme spécifie Benjamin-, où fluit
l´identité perdue par l´étrangeté, où surgit “un amour pas tant à première vue
qu´à dernière vue”[70]. L´identité perdue de l´objet dans son
élaboration et usage, puisqu´il ne répond plus à un but authentique mais
artificiel –prétexte du marché et intérêt crée-, est substituée par les
rencontres que projette l´identité du sujet: “dans le fond, c´est cette
conscience du moi celle qu´il prête à la marchandise qui court les rues”[71]. Baudelaire même reconnaìt cette fusion
de l´identité avec ce qui est observé:
“Le poète jouit du privilège de pouvoir, à son gré, être
lui-même ou un autre. Comme ces âmes qui déambulent à la recherche d´un corps,
il pénètre, lorsqu´il le désire, dans le personnage de n´importe qui. Il n´y a
que pour lui que tout est vacant.
Le promeneur solitaire et songeur obtient une ivresse
singulière de cette communication universelle (...)
Ce que les hommes nomment amour est bien petit, bien
restreint et bien faible, comparé à cette ineffable orgie, à cette sainte
prostitution de l´âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l´imprévu
qui se montre, à l´inconnu qui passe” [72]
En ce qui concerne l´art en particulier:
“Qu´est-ce l´art pur d´après la conception moderne? C´est créer une magie
suggestive qui contienne à la fois l´objet et le sujet, le monde extérieur de
l´artiste et l´artiste lui même”[73]
Bien qu´avec des différences
et même dans certaines occasions de claires oppositions, Rimbaud partage
cependant avec ce dernier, cette identification du poète avec les rencontres
expérimentées à l´extérieur:
“Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les
paysages possibles, et trouvais dérisoire les célébrités de la peinture et de
la poésie moderne.
J´aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors,
toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires; la littérature
demodée, latin d´église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules,
les contes de fées, petits livres de l´enfance, opéras vieux, refrains niais,
rythmes naïfs.”[74]
Baudelaire ne partage
peut-être pas l´abstraction de Rimbaud, mais agit certes au niveau qui
correspond à l´objet. Les mots sont des concepts qui dans l´assemblage
syntactique atteignent leur révélation en tant qu´objets; c´est pour cela que
ce poète est l´un des référents du degré zéro de l´écriture de Barthes[75]. Au moyen de cette abstraction, Rimbaud
réussit à entrer en possession d´un langage propre à la poésie (synesthésie
entre couleur et lettres dans Voyelles) qui n´a aucune raison de se
restreindre au mot, mais qui est susceptible d´être appliqué aux arts restants,
exactement comme l´ont pratiqué beaucoup de ses adeptes du XXe siècle.
Cependant, ce langage peut être même élargi à la réalité, puisque son
idiosyncrasie réside dans le fait qu´elle se situe en marge de la logique[76]. La poésie devient, indirectement comme
dans le cas de Baudelaire, un moyen de connaissance de la réalité
contradictoire, implicite déjà dans l´esthétique de Hegel et dans la
philosophie de Novalis[77], encore que, désormais, il lui faut comme requis
poétique –comme cela se produit dans l´adoption de la dialectique par le
matérialisme historique- la perte de
l´idéalisme[78].
Bien
connue la maxime “Je est un autre” présent dans les Lettres dites du voyant
de Rimbaud[79], par laquelle les surréalistes Marcel
Jean et Arpad Mezei saisirent un dédoublement du moi qui exige une synthèse
qu´il trouvera dans la réalité quotidienne grâce à la transmutation que
l´alchimie verbale facilite[80]. En dernière instance, cette identification avec
l´extérieur est aussi le but convoité par Baudelaire. Il s´agit d´une
alternative à la fonction servile du langage comme représentation de la nature,
et qui, maintenant, s´assimile pour s´incarner en elle[81]. Cette possibilité évolue latente dans
quelques sources littéraires très concrètes: la poésie de Lautréamont lorsqu´il
définit ce qui est beau comme une rencontre fortuite, sur une table de
dissection, d´une machine à coudre et d´un parapluie[82], dans les dérives du Docteur Faustroll de
Jarry pour un Paris converti en marécages[83], dans les tentatives pour atteindre l´absolu de
Mallarmé et dans l´esthétique de la surprise de l´esprit moderne d´Apollinaire[84], jusqu´à
la dissolution de l´identité dans les collages de Max Ernst[85]. Un nouveau concept de la poésie prend
naissance qui n´implique pas l´articulation d´un langage sous des normes qui
tendent à atteindre une plus grande beauté, comme le signale Barthes, mais une
nature contradictoire dont la première dialectique siège entre le sujet et
l´objet[86], faisant ainsi de l´autoportrait son
sujet principal. Ce n´est plus un problème qui touche seulement quelques poètes
concrets; c´est devenu une question qui les concerne tous. Avant Isidore
Ducasse, Hegel avait déjà annonçé la fin de l´art avec la libération de
l´Esprit, et il avait même prédit la fin de la dépendance de certaines
techniques. Avec cela, il prophétisa l´art à son niveau le plus élevé, la
poésie, comme quelque chose d´accessible à tout le monde en fonction de son
“talent personnel”[87]. Cette idée fut développée par la suite par Marx
et Engels, mais d´un point de vue matérialiste, lorsqu´il définirent la
démocratisation de l´art comme l´un des symptômes de la société communiste[88]. Cependant, ce qui résulte intéressant
dans cette dissolution de l´artiste, comme le souligne Marx lui-même, c´est que
c´est la conséquence de la disparition de la division du travail qui implique
l´écroulement de l´identification poésie-art-travail qui est corrélatif à la
libération de la dépendance technique et de la possibilité de considérer
poétiquement tous les aspects qui se détachent de la réalité même: Novalis, à
partir des principes de sélection, combinaison et rythme comme méthode, unifie
les différentes manifestations artistiques, de la musique jusqu´à la peinture
et la poésie, lesquelles sont maintenues à l´écart de la nature par l´action du
sujet. La poésie, maintenant hégémonique car elle est la plus effective à
l´heure de libérer l´esprit du sensible –selon Hegel-, peut se révéler dans
n´importe quel domaine de la réalité, et d´après Novalis, dans n´importe quel
genre de livres et traités, même dans le domaine des affaires[89], comme par la suite l´affirmeront Tzara
et Paul Dermée. Face à la beauté des lois rigides qui ont gouverné l´esthétique
du passé, maintenant l´objectif ultime est la manifestation de soi-même,
objectif considéré comme étant une nécessité morale parce que cette position
dérive de la morale même, la lutte contre les limites naturelles, la maîtrise
de ce qui est naturel[90]et parce que dans la société industrielle elle se
transforme en lutte contre les conditions sociales qui présentent les objets
manufacturés comme étant objets naturels. Quand le sujet se révèle à travers la
résolution poétique de la dialectique, l´objet se manifeste, niant de cette
manière que la représentation de la réalité soit le but ultime de l´art[91], parce que la synthèse s´ajoute à la
nature préexistante[92] pour inviter un nouveau sujet à une nouvelle
expérience esthétique. Tout semble coïncider dans le cadre des contradictions
du marché industriel, car la maxime de Marx qui dit que le monde ne doit pas
être expliqué mais construit[93], surgit d´une critique à la représentation et à
la conséquente séparation implicite dans son analyse de la marchandise,
laquelle cache la valeur d´usage des objets. Souvenons-nous comment le groupe
de la revue Documents –dirigée par Georges Bataille- réclamait un
matérialisme radical qui récupère la valeur d´usage des objets avec leurs
fonctions fétichistes et les mythes de l´art primitif, une tâche poursuivie par
la suite par le structuralisme de Lévi-Strauss qui met en relation la nécessité
taxonomique et la différenciation entre des groupes humains et d´autres à
partir des détournements appropiés de diverses espèces naturelles (le totémisme
comme le bricolage)[94].
Nous avons analysé le
processus historique qui changea le statut de l´objet dans le cadre de la
Révolution Industrielle, un objet défini maintenant pour son opacité et qui ne
peut être choisi ni sélectionné que pour faire partie d´une nouvelle esthétique
qui s´élève face à l´imitation de la réalité qui dominait jusqu´alors. Elle
marque la fin de l´art que Hegel interprète comme libération de l´esprit. Cette
façon de faire sera finalement reléguée à la condition de simple habileté
technique. La séparation qu´exerce un art imitatif est parallèle à la
séparation entre la marchandise et les objets que celle-ci met en circulation.
De ce fait, les deux étrangetés se dressent face à face lorsque survient
l´essor de l´hégémonie bourgeoise. La réaction du collage à cette situation
sera d´essayer de contourner cette
fissure en introduisant dans les oeuvres d´art des objets qui antérieurement
n´étaient pas considérés artistiques[95], objets qui appartiennent à la réalité
quotidienne et qui possèdent donc une identification sociale plus importante
que la peinture appliquée dans les ateliers. Ce processus d´ouverture en marge
du collage artistique proprement dit, va de la peinture en plein air des
réalistes et impressionistes –parce qu´il sortent à l´extérieur pour peindre le
sujet directement-, jusqu´à la récupération de papiers et d´emballages pour
l´élaboration d´une composition décorative, ainsi que les thèmes caricaturaux
et fantastiques de la presse et de l´illustration populaire du XIXe siècle,
lesquels, à l´occasion, frôlent l´absurde (images de Rodolphe Töpffer,
Grandville, George Cruikshank, Edward Lear
et même les illustrations de John Tenniel pour Alice à travers le miroir
de Lewis Carroll), et que Gombrich définit dans sa totalité comme un mouvement
de concentration depuis les marges de la culture (culture populaire) jusqu´au
centre (art élevé)[96]. De cette manière, nous nous rallions au principe
historique de Florian Ridari qui distingue le collage du XXe siècle de tous ses
précédents possibles[97]; c´est-à-dire qu´il faudra commencer leur étude à
partir du moment où tout le bagage ou capharnaüm populaire, artisanal,
décoratif, industriel, etc., est introduit dans des oeuvres destinées à la
consommation artistique, soit pour dissoudre le concept d´oeuvre isolée, comme
cela s´est produit avec les avant-garde historiques, soit pour
institutionnaliser des parties de la réalité dans des musées et des galeries.
Cependant, nous ne sommes pas d´accord avec l´idée de Rodari qui veut que ce
soit la méditation des artistes sur la pratique du collage ce qui distingue les
manifestations précédentes des premiers papiers collés cubistes, car, à
notre avis, c´est le moment historique dans le cadre duquel les premiers
collages portèrent atteinte à la noblesse de la peinture, autant dans la
galerie de Kahnweiler que dans l´exposition de la Section d´Or de 1912.
Le collage constitué ainsi
comme phénomène historique suscitant –avec l´abstraction- le grand
bouleversement dans l´art du XXe siècle, répond à une nouvelle situation de
l´objet au-delà des frontières de l´art. Pour cette raison, la vision offerte
généralement par l´historiographie et la critique de l´étrangeté des parties
constitutives d´un collage, quel qu´en soit le niveau (iconographique, formel
ou matériel), ne correspond pas à la réalité du geste constituant, puisque
c´est la réalité celle qui se présente d´avance étrangère dans le cadre du
marché, alors que celui qui pratique le collage essaiera d´attribuer de
nouvelles fonctions aux objets privés de liberté qui cependant échappent aux
moyens précédents de connaissance rationnelle et aux dispositions mimétiques ou
narratives aristotéliques, L´issue que l´oeuvre artistique a choisi face à
cette crise de la réalité consiste, en un premier moment, à fui sa propre
condition artistique pour atteindre la cohérence entre sa forme et son contenu,
entre sa forme et sa matière, parce que celle-ci est la seule voie de rendre
reconnaissable la réalité enlevée: le collage et la production artistique
contemporaine en général, ne pourra parler que de son propre processus
d´élaboration, d´elle-même, et jamais de références qui lui sont étrangères
pour être née de la scission de ses niveaux de compréhension, et avec nous
faisons référence aux analyses iconographiques, linguistiques et formels menées
à bien dans le but de leur récupération
institutionnelle et artistique. Au-delà de savoir s´il s´agit bien
d´art, ce qui est décisif dans le collage c´est la reconstruction du temps
vécu, la construction- ou la solidification du geste- de soi-même.
[1] Introduction de D. Bablet dans Denis
Bablet (coord.), C. N. R. S., Collage et
montage au théâtre et dans les autres arts durant les années vingt, La Cité
– L’Âge d’Homme, Lausanne, p. 10.
[3] Claude Amey et J. P. Olive (dir.), Fragment, montage-démontage, collage,
décollage, la défection de l’oeuvre ?, Éd. L’Hamattan, coll. Arts
& URF Arts, Philosophie et Esthétique – Université Paris 8, Paris, p. 9.
[4] Revue d’Esthétique nº 3/
4, numéro spécial intitulé Collages et préparé par le Groupe m (Liège), 1978, U. G. E., coll. 10/ 18,
Paris, 1978, p. 13.
[6] Henri Béhar, Littéruptures, L’Âge d’Homme, Lausanne, p. 187.
[7] Ibíd., p. 185
[8] Henri
Béhar y Michel Carassou, Dada. Historia
de una subversión, Península, Barcelona, 1996, p. 121.
[10] James Leggio (coord.), Picasso
and Braque. A symposium, MoMA, New York, 1992, pp. 169-209 et 261-287.
[11]
Benjamin H. D. Buchloh, “Pintura, índice, monocromo: Manzoni, Rayman, Moroni”,
dans Benjamin H. D. Buchloh, Formalismo e historicidad. Modelos y métodos en
el arte del siglo XX, Akal, Madrid, 2004, p. 237.
[12]
Umberto Eco, La definición del arte, Destino, Barcelona, 2002.
[13] Du journalisme, Mallarmé regrette
sa fonction de reportage consistant à “raconter, enseigner et même décrire”,
laquelle aurait contaminé d´autres genres littéraires. Par contre, il
s´approprie la typographie dans Un coup de dés dans un but
métalinguistique: “un livre comme je ne les aime pas, ceux qui s´éparpillent et
sont privés d´architecture. Décidément, aucun n´échappe au
journalisme...L´excuse, dans tout ce hasard, c´est que l´assemblage ne s´appuie
que sur une vertu commune, et qu´il faut toujours supprimer le début et la fin
de ce que l´on écrit. Aucune introduction, aucune fin”, Stéphane Mallarmé, Fragmentos sobre el libro, Colegio
Oficial de Aparejadores y Arquitectos Técnicos de la región de Murcia/
Consejería de Educación y Cultura de la
región de Murcia, La Caixa, Murcia, 2002, pp. 29 y 39. Voir aussi les p. 33 et 78-79. Mallarmé ne déprécie pas l´imprimerie mais
le fait que le journalisme, conséquence de sa mécanique, n´ait légué aux autres
genres qu´un désir représentatif qui nie l´autonomie, pas de la narration, même
pas de la poésie, mais du livre
lui-même, principal objectif de sa carrière poétique.
[14] Hans Sedlmayr établit le désir de faire de l´art comme étant l´une
des conséquences de ce qu´il nomme “révolution de l´art moderne”. Hans
Seldmayr, La revolución del arte moderno,
Mondardori, Madrid, 1990, p. 121.
[15] G.
W. F. Hegel, Introducción a la estética,
Península, Barcelona, 1997, p. 16.
[16] G.
W. F. Hegel, Lecciones sobre la estética,
Mestas, Madrid, 2003, pp. 47-49.
[17] G.
W. F. Hegel, Introducción a la estética,
op. cit., p. 72.
[18] En ce qui concerne l´idéalisme
subjectif de Kant, Hegel souligne: ”Mais même cette conciliation totale ou en
apparence est, en fait, seulement subjective, c´est-à-dire, réalisées par le
sujet, et n´existe qu´en vertu de son jugement; elle ne répond pas à la vérité
et à la réalité en soi”, Ibíd., p.
111.
[19] “Cette philosophie de l´art
comprend ... l´idée de ce qui est beau dans l´art, ou bien l´idéal considéré
dans sa généralité”, G. W. F. Hegel, Lecciones
sobre la estética, op. cit., pp.
43.
[20]Ibíd., pp. 51-52.
[21] G.
W. F. Hegel, Estética I, Alta Fulla,
Barcelona, 1988, p. 98.
[22] Juan
Eduardo Cirlot, El mundo del objeto a la
luz del surrealismo, op. cit., p.
79. En 1927, le futuriste italien,
F. Azari lance un manifeste Pour une société de protection de la machine.
Facsimil chez Ada Masoreo, “Il dominio della machina”, chez Universo mecánico. Il futurismo attorno a
Balla, Depero, Prampolini, Mazzotta, Milano, 2003, pp. 87-88 (catálogo de
exposición)
[23] Michel Foucault, Les mots et les choses, Gallimard, Paris, 1966, pp. 49-50.
[24] Ibíd., p. 309.
[25] Ibíd., p. 311.
[26] Ibíd., p. 312.
[27] Jean
Clair, La responsabilidad del artista.
Las vanguardias, entre el terror y la razón, Visor, Madrid, 1998, pp. 103-110.
[28] Ibíd., p. 296.
[29] G.
W. F. Hegel, Introducción a la estética,
op. cit., p. 111. Faisant une nouvelle référence à Kant, il ajoute :
“dans cette analyse de la faculté de connaître l´objet, celle-ci n´existe si ce
n´est en relation avec le sujet et avec le sentiment de plaisir ou avec celui
de jouissance qu´il éprouve”, G. W. F. Hegel, Lecciones sobre la estética, op.
cit., p. 39.
[30] Sur Mallarmé, Michel Foucault, Les mots et les
choches, op. cit., pp. 316-317.
[31] Denys Riout, La peinture monochrome.
Histoire et archéologie d’un genre, Jacqueline Chambon, Nîmes, 1996, pp.
126-127.
[32] Florence de Mèredieu, Histoire matérielle et immatérielle de l’art
moderne, Larousse, Paris, 2004 (1ª éd.
1994), p. 660. Elle y commente le manque d´études historiques sur les
matières employées dans l´art et la suprématie de l´histoire des formes. Elle
ne cite comme précédent que l´oeuvre de Gottfried Semper, Le style dans les
arts techniques et architechtoniques, 1861-1863, chez Florence de Mèredieu,
Ibíd. pp. 39-40.
[33] Max
Ernst, Escrituras, Poligrafa, Barcelona, 1982, pp. 200-201.
[34] Florence de Mèredieu, Histoire matérielle et immatérielle de l’art
moderne, op. cit., pp. 238-239.
[35] Isidore Isou, De l’impressionisme au lettrisme. L’évolution des moyens de réalisation
de la peinture moderne, Filipacchi, Paris, 1974, p. 9.
[36] Véase Ibíd.,
pp. 78-79.
[37] Florence de Mèredieu, Histoire matérielle et immatérielle de l’art
moderne, op. cit., pp. 663 y 665.
[38] Dépaysement qui, pour Hegel, est
l´origine de la culture. Voir G. W. F. Hegel, La fenomenología del espíritu, Fondo de Cultura Económica de
España, Madrid, 2000, p. 290.
[39] G. W. F. Hegel, Estética II, Alta Fulla, Barcelona,
1988, p. 213.
[40] G.
W. F. Hegel, Introducción a la estética,
op. cit., p. 153.
[41] Julia
Kristeva, Semiótica I, Fundamentos, Madrid, 2001, pp. 151-155.
[42] De la même manière que pour Hegel la
dialectique est la science du développement d´une conscience et que, pour Marx,
c´est la science du mouvement de la matière déterminée par l´histoire, Henri
Pastoureau, “De Hegel à Lénine”, en Henri Pastoureau, Ma vie surréaliste, Maurice Nadeau, Paris, 1992, p. 462. Dans
l´inversion de l´idéalisme de Hegel par Marx, la matière en vient à précéder
l´idée, passant celle-ci à la pensée, Karl Marx, « Epílogo a la segunda
edición alemana de El Capital”
(1873), Karl Marx, El Capital. Libro I. Tomo I, Akal, Madrid, 2000, pp.
29-30.
[43] Karl
Marx, El Capital. Libro I. Tomo I, Ibíd., p. 58.
[44] La transcendance de cette aliénation
historique de l´homme peut se déduire de ces paroles de Francastel: “les
actions et les objets figuratifs permettent à l´homme, suivant des plans
différents, de traduire ses sensations en les matérialisant suivant un ordre
déterminé et modifiable”. Pierre Francastel, Art et technique aux XIX et XX siècles, Gallimard, Paris, 2000, p.
117-118. Étant séparé des objets et de ses propres actes dans la production,
l´homme ne peut matérialiser son intérieur.
[45] Francastel ajoute à la nouvelle
conception des objets industriels, l´abondance des matériaux inédits avec
lesquels on les fabrique et qui viennent s´ajouter à l´étrangeté. Pierre
Francastel, Art et technique aux XIX et
XX siècles, op. cit., p. 77.
[46] Marx le compare aux pulsions nerveuses
optiques qui sont perçues par chacun comme si c´était la nature extérieure en
soi. Karl Marx, El Capital. Libro
I. Tomo I, op. cit., pp. 102-103.
[49] François Monnin, Le collage. Art du vingtième siècle, op. cit., p. 137.
[50] Florence de Mèredieu, Histoire matérielle et inmatérielle de l’art
moderne, op. cit., pp.
29-33.
[51]
Pierre Daix, Historia cultural del mundo
moderno, op. cit., pp. 13-23.
[52] Pour cet auteur, les deux courants
opposés de l´art contemporain sont, d´un côté, une tendance à convertir
l´objectivité et l´ordre mécanique en un thème artistique –cubistes et
constructivistes- et, d´un autre côté, une recherche du langage de l´enfance et
de tout ce qui est primitif et représente un retour aux origines, Lewis
Mumford, Arte y técnica, Nueva
Visión, Buenos Aires, 1968, pp. 57-58. Ces deux courants sont, d´après lui,
opposés, tandis que pour nous, ils sont absolument imbriqués. Par exemple, le
surréalisme ne peut être séparé du primitivisme, ni de la poésie mécanique de
l´automatisme.
[53]
Octavio Paz, La otra voz. Poesía
y fin de siglo, Seix
Barral, Barcelona, 1990, pp. 43-49, ouvrage dans lequel il met en relation
l´intérêt pour l´essor du voyage dans la poésie moderne et la nécessité de
chercher des alternatives à la beauté occidentale avant la perte de la notion du temps, conséquence
du simultanéisme moderne et de la remise en question des principes fondamentaux
de l´espace et du temps.
[54] “... l´apparition du chemin de fer, le
bateau à vapeur et le télégraphe, sans parler de l´armement qu´ont facilité les
conquêtes coloniales des puissances occidentales et qui ont mis l´homme blanc
en contact avec les régions les plus éloignées du globe. Les expositions ne
furent pas non plus les seules nouvelles sources d´information sur les produits
et monuments de terres lointaines. L´invention
récente de la photographie s´est mise au service d´entreprises aussi
ambitieuses que l´était l´exploration archéologique de l´Inde, et, à partir de
la moitié du XIXe siècle, de plus en plus de livres avec des gravures
photographiques sont apparus sur le marché”, E. H. Gombrich, La preferencia por lo primitivo. Episodios de la historia del gusto y el arte
de occidente, Debate, Barcelona, 2003, pp. 196-199. Cet historien fait aussi coïncider l´industrie
avec l´essor du primitivisme: “La signification du concept de ce qui est
primitif dérive de l´idée de progrès” (p. 235). Cependant, cette convergence se
produit par la négation: on définit ce qui est primitif par opposition au degré
de développement atteint en Occident par la Révolution Industriele.
[55] De fait, le collectionneur d´objets qui
personnifie si bien la situation de l´individu dans le contexte capitaliste, ne
distingue pas les objets naturels des artificiels, ni les usages auxquels ils
étaient destinés ou encore s´ils sont le fruit d´une certaine technologie. Maurice
Rheims, La vie étrange des objets.
Histoire de la curiosité, Librairie Plon, Paris, 1959, pp. 73-74.
[56]
Claude Lévi-Strauss, El pensamiento
salvaje, op. cit., p. 60. Francastel croit que ce sont les
historiens et les spécialistes des sociétés primitives ceux qui ont le plus de
choses à dire quant à la nature esthétique des objets artistiques, Pierre
Francastel, Art et technique aux XIX et
XX siècles, op. cit., pp.
111-112.
[57] Picasso nia qu´il ait imité formellement
l´art nègre qui se trouve au Musée du Trocadéro de Paris, ce qui peut être une
réaction contre les interprétations de bon nombre de critiques et d´historiens
qui voulurent voir dans cet art, l´origine du cubisme. Dans l´entretien avec
Malraux intitulé Tête d´obsidienne, Paris, 1974, cité entre autres par
E. H. Gombrich, op. cit., pp.
217-218. Cependant, il accepte d´autres influences considérées “primitives”,
tels que l´art ibère ou égyptien.
[58] Une vision de l´époque de l´art primitif, nous est offerte par
l´enquête pour le Bulletin de la Vie Artistique, réalisée par Félix
Fénéon en 1920 auprès de plusieurs ethnographes, explorateurs, artistes,
collectionneurs et galeries, à
l´occasion de l´ouverture d´une salle du Louvre consacrée à ces arts. Félix
Fénéon, Iront-ils au Louvre. Enquête sur
des arts lointains, Toguna, Toulouse, 2000. Francastel cite Lévi- Strauss
pour démontrer que toute société différente de la nôtre constitue par elle-même
un objet. Pierre Francastel, Art et
technique aux XIX et XX siècles, op.
cit., p. 109.
[59] Carl
Einstein, La escultura negra y otros
escritos, Gustavo Gili, Barcelona, 2002, p. 36. C´est à ce moment-là que l´objet exotique cesse
d´être considéré comme bizarre et devient référence pour de possibles
alternatives à ce qui était jusqu´alors considéré beau, ce qui apporte une
solution au problème de la perte du principe de réalité. Octavio Paz, La otra voz…, op. cit., pp. 40-47. À partir de là, on se demande si l´oeuvre
d´art “primitive” est véritablement une oeuvre d´art parce qu´à l´origine elle
ne fut pas destinée à l´observation mais qu´on lui attribua des pouvoirs
magiques dont le but étaient de réconcilier l´homme avec l´Univers entier.
L´oeuvre d´art destinée à la visualisation provient en réalité de la révolution
perspectiviste de la Renaissance, et arrive au XIXe siècle vide de contenus
symboliques; elle ne représente plus la maîtrise rationnelle de l´homme. La
présence des objets isolés sur le marché a démoli leurs principes humanistes,
de même que, -surtout avec le surréalisme (il en fut de même lorsque les
futuristes s´autoproclamèrent “primitifs modernes”)-, la connaissance de ces objets magiques et la
magie même redeviendront le moyen de connaissance le plus approprié pour la
communion de l´objet avec le sujet, reconciliation qu´Octavio Paz, dans sa
référence à l´art magique, qualifie avec justesse d´ “électrique”. Il s´agit du
moment où l´objet magique nous invite à ne plus être nous-mêmes et à être
autre, prétention que possède aussi l´objet de consommation lorsque n´importe
quoi parvient à être magique en fonction de sa relation avec le possesseur,
parce que la magie ne réside pas dans l´objet en soi, mais dans la rencontre
avec le sujet (lire les réponses d´Octavio Paz au questionnaire d’André Breton,
L’art magique, Phébus, Paris, 1991,
pp. 310-312. En espagnol, Octavio Paz, La búsqueda del comienzo (escritos sobre el surrealismo),
Fundamentos, Madrid, 1983, pp. 47-54.
[60] L´étude de ce processus est l´une des
tâches des historiens selon Pierre Francastel, Art et technique aux XIX et XX siècles, op. cit., pp. 99 y 103.
Lors d´une conférence prononcée auprès des membres
de l´Association de la Fédération Démocratique de Hammersmith à Kelmscott
House, le 30 novembre 1884, William Morris considérait complète la conquête de
la nature et réclamait l´organisation de la vie de l´homme –gouverneur des
forces naturelles- comme principal
objectif du moment. Dans “Comment nous vivons et comment nous pourrions vivre”,
William Morris, Cómo vivimos y cómo
podríamos vivir. Trabajo útil o esfuerzo inútil. El arte bajo la plutocracia,
Pepitas de calabaza, Logroño, 2004, p. 64 (cette conférence fut publiée pour la
première fois en 1887, dans Commonweal).
Octavio Paz coïncide également avec cette idée que l´histoire de l´homme
consiste en sa propre aliénation au profit de ses mythifications que la
modernité lui a refusées. Octavio Paz, La
búsqueda del comienzo…, op. cit.,
p. 51.
[61] « Simultanément, il ne s’agit plus
de rechercher une conciliation entre les produits de l’activité mécanique de la
société et les arts, mais de définir les conditions nécessaires de l’art
nouveau dans une civilisation où les produits de la machine constitueront en
quelque manière un milieu naturel ». Pierre Francastel, Art et technique aux XIX et XX siècles, op. cit., p. 48. Mumford croit que la
raison pour laquelle l´homme actuel accepte l´ordre impersonnel, la régulation,
les répétitions et la standarisation radicale qu´impose l´industrie, c´est sa
capacité à accepter sans se leurrer les matériaux donnés naturellement par les
forces de l´environnement depuis ses origines. Lewis Mumford, Arte y técnica, op. cit., p. 49.
[62] Il est curieux d´observer comment même Octavio Paz – spécialiste de masques
(Octavio Paz, El laberinto de la soledad, Cátedra, Madrid, 2004, pp.
164-181)- confond, quand il parle de surréalisme, la fonctionnalité avec les
valeurs du marché. Octavio Paz, La búsqueda del comienzo (escritos
sobre el surrealismo), Fundamentos, Madrid, 1983, pp. 32-33
[63] Paz commente comment au XXe siècle, la
réalité s´est soudain évanouie et s´est désagrégée, Octavio Paz, La otra voz…, op. cit., p. 40. Ce fait s´attribue à l´industrialisation, aux
sciences relatives, à la perte de prestige de la raison et à la mort de Dieu
annoncée avant Nietzsche, par Max Stiner et par Jean Paul Richter dans Alba del Nihilismo, Istmo, Madrid, 2005,
pp. 21-37. À partir de cette perte de la réalité, les notions de temps et
d´espace se perdent, ce qui a entraîné la ferveur pour le voyage à la recherche
de nouveaux espaces alternatifs, et la connaissance des objets exotiques. Nous
avons des exemples littéraires dans la locomotive de Whitman, dans Orient-Express
de Valéry Larbaud, La prose du Transsibérien de Cendrars, l´automobile
et l´aéroplane futuristes, etc.
[64] Selon Francastel, l´art moderne ne
se limite pas à la production de formes nouvelles et provocantes, mais il se
fonde sur l´activité globale de l´homme contemporain et sur ses expériences. Pierre
Francastel, Art et technique aux XIX et
XX siècles, op. cit., p. 108. L´art
n´est plus un moyen de connaissance comme il le fut à la Renaissance selon Jean
Clair, La responsabilidad del artista…,
op. cit. L´unité qui régit les
différentes facettes du savoir a succombé à la fragmentation de la production
et a été substituée par les lois du marché. Plus que jamais, il incombe à
l´art la responsabilité de réconcilier
le sujet avec son environnement aux dépens de son autonomie aurique qu´il
atteignit avec la Renaissance.
[65] “Jouir de la foule est un art; et
celui-là seul peut faire, aux dépens du genre humain, une ribote de vitalité, a
qui une fée a insufflé dans son berceau le goût du travestissement et du
masque, la haine du domicile et la passion du voyage/ Multitude, solitude:
termes égaux et convertibles pour le poète actif et fécond. Qui ne sait pas
peupler sa solitude ne sait pas non plus être seul dans une foule affairée”.
Charles Baudelaire, Le Spleen de
Paris. La Fanfarlo, Flammarion, Paris, 1987, p. 94.
[66]
Walter Benjamin, Poesía y capitalismo.
Iluminaciones II, op. cit., p. 71.
[67]
Erich Fromm, Del tener al ser,
Paidós, Barcelona, 2000, pp. 119-120. Plus tard, cet auteur différencie la propriété fonctionnelle de la mort et
non fonctionnelle, étant la fonctionnelle compatible avec l´annulation marxiste
de la propriété privée (pp. 125-132)
[68] K.
Marx y F. Engels, El manifiesto comunista,
Endimión, Madrid, 1987, p. 61, et Federico Engels, El origen de la familia. La propiedad privada y el estado, Fundamentos, Madrid, 1996, p. 219.
[69] “Tout à l’heure, comme je traversais le
boulevard, en grande hâte, et que je sautillais dans la boue, à travers ce
chaos mouvant où la mort arrive au galop de tous les côtés à la fois, mon
auréole, dans un mouvement brusque, a glissé de ma tète dans la fange du
macadam. Je n´ai pas eu le courage de la ramasser”. Charles Baudelaire, “Perte
d’auréole”, dans Le Spleen de Paris. La Fanfarlo, op. cit., p. 173.
La critique que ce poète français adresse
à la photographie est compréhensible à partir du moment où celle-ci sert de
modèle à la peinture, s´écartant ainsi de son véritable objectif –la beauté- et
se concentre uniquement sur l´imitation de la réalité. Ce sentiment est très
proche de la conception de l´aura présentée par la suite, par Walter Benjamin.
Cette représentation technique et mécanique de la réalité comporte la perte de
l´imaginaire et de l´impalpable pour remplacer la mémoire dans sa fonction. Charles
Baudelaire, Salones y otros escritos
sobre arte, A. Machado Libros, Madrid, 2005, pp. 229-233.
[70]
Walter Benjamin, Poesía y capitalismo.
Iluminaciones II, op. cit., p.
61. Octavio Paz établit clairement
cette nouvelle situation du poète dans la modernité: “Dans un monde de boîteux,
celui qui dit qu´il y a des êtres avec deux jambes est un visionnaire, un homme
qui s´évade de la réalité. En réduisant le monde aux données de la conscience,
et toutes les oeuvres à la valeur travail-marchandise, on expulsa
automatiquement de la sphère de la réalité le poète et son oeuvre”. Octavio
Paz, La búsqueda del comienzo (escritos
sobre el surrealismo), Fundamentos, Madrid, 1983, p. 80.
[71]
Walter Benjamin, Poesía y capitalismo.
Iluminaciones II, op. cit., p.
77.
[72] Charles Baudelaire, El spleen de París, op. cit., pp. 39-40.
[73] Cette maxime définit l´affaire interne de
la peinture, celui qui lui est propre. Par contre, le contenu philosophique et
moral, c´est la préoccupation extérieure de l´art depuis le moment où il entre
en compétition avec le livre. En
Charles Baudelaire, “El arte filosófico” (h. 1859), dans Charles Baudelaire, Salones y otros escritos sobre arte, op. cit., p. 399. Sartre extrait la dialectique sujet-objet de son
oeuvre poétique, d´où il déduit son constant narcissisme. J. P. Sartre, Baudelaire, Gallimard, Paris, 1947, pp.
26-28.
[74] Arthur Rimbaud, “Délires II. Alchimie du
verbe”, Arthur Rimbaud, Poésies. Une
saison en enfer. Illuminations, Gallimard, Paris, 1999, p. 192. Hugnet
établit une relation entre cette Alchimie du verbe de Rimbaud et le
collage, Georges hugnet, “Collage et montage”, Dictionnaire du Dadaïsme,
1916-1922, Éditions Jean-Claude Simoën, Paris, 1976. Dans Georges Hugnet, Collages, Léo Scheer, Paris, 2003, p.
11.
[75] Cet auteur attribue à Rimbaud, et non à
Baudelaire, le fait d´avoir abandonner la poèsie classique qui dépend
qualitativement de la prose. Roland Barthes, Le degré zéro de l’écriture, op.
cit., pp. 33-34.
[76] Pere
Gimferrer, Rimbaud y nosotros,
Publicaciones de la Residencia de Estudiantes, Madrid, 2005, pp. 25-28. L´écrivain d´avant-garde roumain Benjamin
Fondaine établit une relation entre Rimbaud et sa Lettre à la voyante,
et le hasard dadaïste, une nécessité des choses créées en dehors d´elles-mêmes.
Benjamin Fondaine “Signification de Dada”, texte inédit et sans date, et
recueilli dans Petre Raileanu et Pierre Carassou, Fundoianu/ Fondaine et l’avant-garde, Fondation Culturelle
Roumaine, Bucarest/ Paris-Méditérranée, Paris, 1999, p. 80.
[77] “L´artiste est la synthèse de ce qui est
théorique et de ce qui est pratique”, Novalis, La Enciclopedia (notas y fragmentos), Fundamentos, Madrid, 1974, p.
20. Ces écrits datent d´entre 1795 y 1800.
[78] Il n´existe pas d´ordre ni de désordre où
il n´y a pas une idée pareille qui exerce une influence sur l´énumération et la
division des objets”, Novalis, Ibíd.,
p. 14.
[79] Arthur Rimbaud, op. cit., p. 84.
[80] Marcel Jean y Arpad Mezei, Genèse de la pensée moderne dans la
littérature française, op. cit.,
pp. 127 y 133. Nous comptons aussi avec le jugement de Marcel Raymond sur son
oeuvre: “Rimbaud signale, donc, au poète la tâche <<d´être
voyant>>, c´est-à-dire, de réveiller dans son esprit les facultés
endormies qui le mettront en contact avec le réel du quotidien”, Marcel
Raymond, De Baudelaire al surrealismo,
op. cit., p. 32.
[81] Marcel Jean y Arpad Mezei, Genèse de la pensée moderne dans la
littérature française, op. cit.,
p. 34.
[82]
Comte de Lautréamont (Isidore Ducasse), Cantos
de Maldoror, Visor, Madrid, 1997, p. 227.
[83] Alfred Jarry, Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien, Gallimard,
Paris, 1980, pp. 38-39
[84] R.
Shattuck, La época de los banquetes, op. cit., p. 245. Novalis avait déjà identifié le romantisme avec
l´art de la surprise, Novalis, La
Enciclopedia…, op. cit., p. 347.
[85] Max Ernst cite dans Au-delà dela
peinture (1936), pour parler du collage, L´alchimie du verbe de Une
Saison en Enfer de Rimbaud. Il a également recours à la rencontre fortuite
de Lautréamont. Max Ernst, Escrituras,
op. cit., pp. 198-199. Werner Spies, Max Ernst. Les collages, op. cit., p. 53, prévient que ces
précédents littéraires n´apportent pas une technique déterminée qu´Ernst
applique à la peinture, mais une analogie qui pour nous construit un esprit
nouveau défini par l´acte de juxtaposer, comme le fit Roger Shattuck.
[86] Novalis assure que l´objet de la poésie
ne se trouve pas dans la poésie même mais dans le merveilleux. Il ajoute que le
poète tente d´invoquer le hasard, Novalis, op.
cit., pp. 339 y 355.
[87] G.
W. F. Hegel, Estética I, op. cit., p. 278.
[88] “Dans une société communiste, il n´y a
pas de peintres, mais, tout au plus, des hommes, qui, entre autres choses,
peignent”. Cette citation appartient à son Die deutche ideologie
recueillie par K. Marx et F. Engels, Escritos
sobre arte, selección, prólogo y notas de Carlo Salinari, Península,
Barcelona, 1969, p. 197. Dans cette même page, Marx établit une relation entre
l´origine de l´artiste et la division du travail. Arthur Schwarz trouve un
parallélisme évident entre cette affirmation
et les ready-made “anartistiques” de Duchamp, Arthur Schwarz, The Complete Works of Marcel Duchamp,
Delano Greenidge, New York, 2000, p. 42, ce qui rejoint la maxime prophétique
lancée par Apollinaire à propos de Duchamp en 1913: “il est peut-être du
ressort d´un artiste si peu préoccupé par l´esthétique et si préoccupé par
l´énergie comme l´est Marcel Duchamp, de réconcilier l´art et le peuple”,
Guillaume Apollinaire, Meditaciones
estéticas…”, op. cit., p. 79.
[89] Novalis, op. cit., p. 330-331, où ,d´autre part, il affirme: “Le poète a
besoin des choses et des mots comme des touches, et toute la poésie
s´appuie sur d´actives associations d´idées”.
[90] G.
W. F. Hegel, Introducción a la estética,
op. cit., pp. 58-59.
[92] “L´art est le complément de la nature/
L´art est la nature complémentaire”, Novalis, op. cit., p. 348.
[93] “Les philosophes se sont contentés
d´interpréter le monde de différentes façons; en fait, il s´agit de le
transformer”, onzième thèse de Thèse sur Feuerbach, manuscrit de 1845,
cité par Jaime Brihuega, “Arte y sociedad. Genealogía de un parámetro
fundamental”, en Valeriano Bozal (ed.), Historia
de las ideas estéticas y de las teorías artísticas contemporáneas. Volumen
II, Visor, Madrid, 1996,
p. 115. N´essayons pas de voir dans l´avant-garde une continuation des théories
marxistes, plutôt un dépassement car, lorsque naquit le nouvel art, la société
pouvait déjà prendre connaissance de la fonction correctrice qu´eut Le
Capital à la fin du XIXe siècle et début du XXe, en se rendant compte des
dangers de la concentration des gains (Octavio Paz, La otra voz. Poesía y fin de siglo, Seix Barral, Barcelona, 1990,
p. 38). En réalité, peu nombreux sont les mouvements d´avant-garde qui se sont
inspirés directement du marxisme, et quelques uns s´y sont opposés carrément.
La volonté de transformation révolutionnaire de l´avant-garde historique ne
coïncide pas avec les conséquences réelles de la IIe Internationale. Notre
intention est d´observer comment Le Capital de Marx et l´art
d´avant-garde sont les résultats d´une nouvelle situation de l´objet propicié
par la Révolution Industrielle, qui donne lieu à un nouveau marché qui finira
par dominer l´industrie elle-même.
[94] Le concept de bricoleur de Lévi-Strauss se trouve dans Claude
Lévi-Strauss, El pensamiento salvaje, Fondo de Cultura Económica, 1988,
pp. 62-63, où il établit une corrélation entre langage et technologie en
prenant la pensée des restes psychologiques et historiques pour une formation
mythologique et totémique, ainsi que le bricoleur prend des fragments qui sont restés en dehors
du “discours” technologique. L´auteur signale aussi le caractère nécessaire et à
posteriori de cette transaction et de ce prêt.
[95] Autant la problématique de l´industrie que celle
de l´art se trouvent entre la pensée et l´action, c´est-à-dire, la pensée et sa
matérialisation, entre l´homme et sa relation avec son environnement. La
Révolution Industrielle ne sera surmontée, d´après les théories de Lewis
Mumford, qu´à travers la reconciliation de l´homme avec ses activités et la
conséquente libération de l´esprit, lequel finira par dominer le monde. Pierre
Francastel, Art et technique aux XIX et
XX siècles, op. cit., pp. 39, 47
y 65.
[96] E. H. Gombrich, La preferencia por lo primitivo..., op. cit., p. 259.
[97] Florian Rodari, Le collage..., op. cit.,
p. 21
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